dimanche, décembre 17, 2006

Gustave Flaubert

Gustave Flaubert! D'une certaine façon, il est devenu le «saint patron» des écrivains: l'«homme-plume», comme il se définissait lui-même! Un des plus grands auteurs français! Pour rendre sa vie plus supportable, qu'il voyait comme une «longue plaine» à traverser, il s'est identifié à la LITTÉRATURE en lui sacrifiant presque tout, devenant ainsi un «mystique de l'Art». Dès l'adolescence, il manifeste un goût prononcé pour la lecture et l'écriture. Ses «oeuvres de jeunesse» montrent de façon éclatante sa précocité d'écrivain. Je pense, par exemple, à «Rage et impuissance», qui est une nouvelle hallucinante: il y est question des angoisses terrifiantes d'un homme enterré vivant. À mon avis, ses récits d'inspiration autobiographique en font déjà un écrivain majeur! Ce sont: «Mémoires d'un fou», «Novembre» et la «Première Éducation sentimentale». Le style s'avère déjà éblouissant! La lecture de ces «oeuvres de jeunesse» m'a procuré une grande satisfaction intellectuelle, car, à de nombreux et magnifiques passages, j'ai pu m'identifier au Narrateur. C'est la marque des plus grands: toucher l'essence de la nature humaine, en sorte que chacun des lecteurs (si différents soient-ils les uns des autres) puisse se reconnaître dans les propos tenus. L'identification ("Il pense comme moi!") est, je crois, le plus grand plaisir de la lecture. Et, justement, Flaubert excelle à procurer cette joie! Quant à sa «Correspondance», elle s'avère un chef-d'oeuvre du genre! Ses lettres à Louise Colet (sa maîtresse) et à George Sand (sa grande amie) sont étincelantes! Elles procurent un rare plaisir cérébral! Je crois qu'il ambitionnait intérieurement d'écrire LE LIVRE. Il y est parvenu d'une certaine façon en écrivant «Madame Bovary», assurément le plus célèbre roman français! L'écriture de ce livre a été pour lui une ascèse. Il a volontairement refréné sa tendance naturelle au lyrisme pour créer un style impersonnel visant au «réalisme absolu». Par cette oeuvre, il a prouvé de façon magistrale que le sujet d'un roman (ici tiré d'un fait divers) est, à la limite, secondaire; c'est le traitement qu'on en fait qui détermine la qualité de l'ouvrage! Après lui , la LITTÉRATURE ne sera plus jamais la même! Son importance est donc colossale! Il a le mérite suprême (comme Balzac qu'il admirait) d'avoir cultivé son génie en travaillant comme un forcené. Flaubert a justifié sa vie en la consacrant à un but supérieur: arriver, par l'écriture, à mieux cerner quelques aspects essentiels de la vie.

Denis Diderot

Denis Diderot (1713-1784): le maître à penser de l'«Encyclopédie»! Il a supervisé cette entreprise colossale avec D'Alembert. Cela suffirait à l'immortaliser, mais non! Il a aussi fait sa marque en littérature en écrivant des romans fulgurants. Les plus célèbres sont: «Les Bijoux indiscrets», «La Religieuse», «Jacques le fataliste» et «Le Neveu de Rameau». On retiendra aussi une brillante «Correspondance» avec sa maîtresse Sophie Volland.
Avec Voltaire et Rousseau, Diderot est la troisième figure dominante de ce «triumvirat» du «Siècle des Lumières» en France. J'ai une grande admiration pour cet «écrivain-philosophe» qui, comme Rousseau (dont il était l'ami), nous apprend à penser en le lisant!
Denis Diderot est né le 5 octobre 1713, à Langres. Paradoxe ambulant, il a eu une vie assez bien remplie. Dans de nombreux écrits, d'ailleurs, il conviendra de la complexité et de l'ambivalence de sa personnalité comme de sa pensée: en lui cohabitent un sage et un fou qui, somme toute, vivent en assez bon voisinage! Voici comment lui-même s'envisage sous le masque d'Ariste: "[...] Il s'était particulièrement livré à l'étude de la philosophie. On l'avait surnommé le Philosophe, parce qu'il était né sans ambition, qu'il avait l'âme honnête, et que l'envie n'en avait jamais altéré la douceur et la paix. Du reste, grave dans son maintien, sévère dans ses moeurs, austère et simple dans ses discours, le manteau d'un ancien philosophe était presque la seule chose qui lui manquât; car il était pauvre, et content de sa pauvreté." [De la poésie dramatique, XXII, Des auteurs et des critiques]
Dans un autre texte, il écrit: "J'étais serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste; mais je ne fus jamais tel que vous me voyez là" [critique du portrait ci-haut de Michel van Loo au Salon de 1767]
Contestataire de l'ordre établi, il a même été emprisonné au Donjon de Vincennes pour avoir écrit la «Lettre sur les aveugles», pamphlet dénonciateur sur la gouvernance de la France. Lors de son incarcération, il a pu bénéficier de la visite de son ami Rousseau, qui lui a apporté un grand réconfort. Il est normal que deux esprits éclairés s'entraident! Quelques années plus tard, ils auront, hélas, une brouille définitive. Toutefois, le respect mutuel demeurera.
Lire la vie et l'oeuvre de Diderot, c'est faire une incursion au coeur de la nature humaine, célébrant ses grandeurs et déplorant ses faiblesses. Diderot aime l'être humain malgré ses contradictions, ou peut-être à cause d'elles! Ses oeuvres de fiction posent des questions fondamentales sur la condition humaine.
Voici deux ouvrages indispensables pour une meilleure connaissance de Diderot et de son oeuvre.
-Diderot par lui-même, par Charly Guyot
-Diderot, sa vie, son oeuvre, par Arthur M. Wilson

vendredi, décembre 15, 2006

Incarnation de la Beauté

Cette peinture du Titien (vers 1490-1576), la «Vénus d'Urbin», réalisée avant 1538, symbolise à mes yeux la Beauté à l'état pur! Elle «trône» à la Gallerie des Offices de Florence. La reproduction ci-dessus donne une bonne idée de l'immense talent d'évocation de la Beauté par le Titien. C'est sublime! Il est assurément l'un des plus grands peintres italiens! On le considère d'ailleurs comme le plus grand artiste vénitien, rien de moins! Ce tableau est une superbe preuve que l'Art agrémente la vie! Et dire que j'ai découvert cette peinture tout récemment! Dans mon panthéon personnel, c'est déjà l'une des plus belles que j'aie jamais vues! Toute manifestation de la Beauté, dont l'Art est un vecteur privilégié, s'avère un réconfort pour l'âme inquiète! C'est rassurant!

mercredi, décembre 13, 2006

Julien Green

Julien Green (1900-1998) est l'écrivain que j'aime le plus! Quand je le lis, j'ai l'impression d'être son confident privilégié! Ses propos et sa prose m'enchantent! Je le classe comme l'un des écrivains majeurs du 20e siècle! Sa lecture m'inspire un sentiment d'identification comme j'en ai rarement éprouvé!
Il a connu une large reconnaissance de son vivant. En 1972, il succède à Mauriac à l'Académie française. La même année, on a commencé la publication de ses «Oeuvres complètes» dans la «Bibliothèque de la Pléiade», dont l'album annuel sur lui-même a paru de son vivant (une première!). Qui dit mieux?
Son «Journal» est célèbre, mais, à mon avis, c'est dans ses romans qu'il se révèle le plus, consciemment ou non. On y rencontre des êtres tourmentés comme il l'était lui-même. Pourtant, malgré tout, il adorait la vie! Son questionnement spirituel est fort intéressant, même si l'on ne partage pas sa foi catholique.
Je considère son «Autobiographie» (Partir avant le jour, Mille Chemins ouverts, Terre lointaine, Jeunesse) comme un des plus beaux pans de son Oeuvre. C'est un bonheur de lecture d'une rare intensité! On croit l'entendre lorsqu'il nous fait des confidences. En plus des circonstances factuelles, Julien Green nous y entretient franchement des sinuosités de sa vie intérieure. C'est passionnant! Quant à son écriture, elle réunit la beauté à la clarté! Un écrivain complet, quoi!
Julien Green est né avec le 20e siècle et est décédé presqu'à sa fin! Il a donc traversé tout ce siècle riche en bouleversements de toutes sortes. Catholique fervent, sa condition d'homosexuel a provoqué chez lui de profonds déchirements intérieurs. Son oeuvre en témoigne. On pense surtout à son «Autobiographie» et à son «Journal», documents de premier ordre!
C'est à Paris que Julien Green est né le 6 septembre 1900. Ses parents étaient des Américains du Sud: Edward Green et Mary Hartridge (qui était une très belle femme!). Son père travaillait pour le bureau d'importation d'une firme cotonnière américaine. Julien était le benjamin de la famille. Dans «Partir avant le jour», il raconte que sa mère et ses soeurs aînées décelaient régulièrement la présence de «fantômes» dans la maison. Le «surnaturel» occupera d'ailleurs une place non négligeable dans son oeuvre.
Le jeune Julien a la faculté de tomber en rêverie lors des occasions les plus diverses: une goutte d'eau suintant d'un fil de fer, la résonance d'un nom asiatique, des arbres dans la brume ou la beauté des rires d'enfants. Ces éléments pouvant être chacun les points de départ d'un livre «pur», sans intrigue.
Voici ce qu'il écrit dans «Terre lointaine» (relation de son séjour comme étudiant à l'Université de Virginie) sur l'écriture et lui-même: "Je goûtais un étrange plaisir à écrire de longues pages sur l'éloignement que j'avais pour le monde et sur l'horreur que je finissais par m'inspirer à moi-même. De tout cela rien ne se trahissait au-dehors." Comme je le comprends! Voilà des propos très révélateurs sur l'homme et sa vision des choses.
En 1983, à un âge plus que respectable, il publie aux éditions du Seuil «Frère François», une remarquable vie de saint François d'Assise, l'homme qu'il a le plus admiré! Cet ouvrage est d'une grande beauté formelle et d'une profonde spiritualité! Quant au style, il est d'une pureté et d'une limpidité exceptionnelles! Du Green à son meilleur! D'ailleurs, une magnifique réédition illustrée paraît en 1991.
La passion de l'écriture l'animant toujours à un âge avancé, il publira coup sur coup une «trilogie» du Sud américain qui le hantait depuis longtemps: «Les Pays lointains», «Les Étoiles du Sud» et «Dixie». La maîtrise de l'écriture est toujous parfaite et le propos historique toujours pertinent. Quant à la psychologie des personnages, elle est toujours instructive sur la nature humaine.

En conclusion, je citerai un passage de l'étude de Robert de Saint-Jean sur Julien Green: "Écrire sur le bonheur n'est permis qu'à celui qui a longtemps souffert, parler sereinement de la mort à celui qui en a d'abord ressenti et décrit l'épouvante..." Julien Green reste un mystique cherchant la Réalité ultime (Dieu), regardant plus loin que l'apparent, scrutant l'Invisible... Sa lecture, en ce sens, est lumineuse pour qui a soif d'Absolu!

dimanche, décembre 10, 2006

Marguerite Yourcenar

Marguerite Yourcenar (1903-1987): première dame à accéder à l'Académie française! C'est quelque chose, évidemment! Toutefois, il importe davantage de savoir que Madame Yourcenar est l'un des plus grands esprits du 20e siècle, voire de tous les temps! Cette femme à l'érudition gigantesque a produit, à mon avis, deux des plus grands livres jamais écrits: «Mémoires d'Hadrien» et «L'Oeuvre au Noir».
Le premier de ces livres est constitué des mémoires fictifs de l'empereur romain Hadrien. Elle considère celui-ci comme le représentant parfait du monde gréco-romain de l'Antiquité. Au moyen de l'«instrument d'optique» qu'est l'univers mental de son temps, il s'efforce de jeter sur sa vie le regard le plus lucide possible. Le texte prend la forme d'un long monologue fascinant! Marguerite Yourcenar a été la première surprise par le rayonnement de cet ouvrage, qui a touché un public beaucoup plus large que ce qu'elle anticipait! De plus, les critiques sont unanimement positives! Dans l'une d'elles (celle de Jean Ballard dans Les Cahiers du Sud), on lit: "La qualité de l'expression va de pair avec la qualité de la pensée." Voilà la marque d'une très grande écrivaine!
Le second livre relate la vie et les réflexions du philosophe-médecin-alchimiste Zénon, personnage inspiré en bonne partie par Érasme et Paracelse. Elle imagine Zénon "maigre, indestructible, sec et ardent". Cet homme a une vision différente des êtres et des choses. Comme il vit à une époque (Renaissance) où la liberté de pensée est inexistante, il doit se comporter avec la plus grande discrétion, car, à ce moment-là, il était fort risqué d'exprimer des idées opposées à la pensée dominante. Étant lui-même athée, on comprend sa prudence, les flammes du bûcher ne l'attirant pas particulièrement! Aussi, il ne fait de confidences sur sa vie intérieure qu'aux amis en qui il a une absolue confiance.
Chacun de ces deux livres est une fabuleuse plongée dans les couches les plus profondes de la nature humaine, révélant ses splendeurs, mais aussi ses abjections. On y traite également de façon lumineuse des questions reliées au sens de la vie.
Madame Yourcenar a toujours rejeté les étiquettes d'«optimiste» ou de «pessimiste» qu'on a pu vouloir lui accoler. Elle a toujours revendiqué la lucidité! Dans «Les Yeux ouverts» (série d'entretiens avec Matthieu Galey), elle explique justement sa pensée avec une clarté éblouissante! Elle y traite d'elle-même et de tous les aspects de la réalité qui lui tiennent à coeur. Je crois que sa façon de vivre et de penser a magnifiquement mis en pratique ce proverbe oriental: "Avant l'Illumination, porte de l'eau, coupe du bois; après l'Illumination, porte de l'eau, coupe du bois!"
Marguerite Yourcenar publie en 1936 chez Grasset «Feux». Il s'agit de neuf «proses lyriques» inspirées de mythes grecs. L'auteure révèle qu'elle tente d'y dessiner «une certaine notion de l'amour». Elle avoue aussi qu'il s'agit de «transpositions d'une expérience personnelle». Ce recueil est d'une beauté et d'une profondeur peu communes! On peut donc affirmer que Madame Yourcenar était aussi une grande poétesse doublée d'une grande moraliste!
Mentionnons
qu'elle a obtenu le prix Femina 1968 pour «L'Oeuvre au Noir», au premier tour et à l'unanimité. C'était la première fois depuis la création du prix, en 1904. C'est grâce à la conviction et à la persévérance de Jean d'Ormesson que Marguerite Yourcenar a été élue à l'Académie française le 6 mars 1980. Elle devenait la première femme à pénétrer cette prestigieuse enceinte! Pour qu'on l'élise en dépit des préjugés reliés au sexe féminin, il fallait qu'elle ait une stature exceptionnelle, et c'était assurément le cas! Je la considère comme l'un des phares pouvant nous guider sur le chemin de la vie!

samedi, novembre 25, 2006

Jean-Jacques Rousseau

Dans la poursuite de mes grandes admirations, j'aimerais cette fois faire l'éloge d'un des plus grands penseurs de langue française: Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Si nos sociétés occidentales sont si avancées sur le plan social, c'est en bonne partie grâce à lui! Cet homme du 18e siècle était assurément en avance sur son temps. On n'a qu'à penser au «Contrat social» et à l'«Émile ou De l'éducation». Dans «Julie ou La Nouvelle Héloïse», il s'est avéré un prosateur exceptionnel, maniant la langue française avec une virtuosité et une efficacité éblouissantes! Il a aussi créé la première grande autobiographie: «Les Confessions». Dans «Les Rêveries du promeneur solitaire», il nous confie les réflexions lumineuses qui surgissent en lui lors de ses promenades dans la nature qu'il aime tant. À l'aube de l'an 2000, on l'a justement désigné comme l'un des cent personnages les plus importants du Deuxième Millénaire! C'est quelque chose! La prose de Rousseau est d'une vivacité peu commune. On a l'impression de l'entendre en le lisant! On croirait même qu'il s'adresse particulièrement à nous, qu'on est son confident! En outre, sa langue est d'une telle richesse de vocabulaire qu'elle pourrait fort bien susciter l'envie des meilleurs linguistes! Lire Jean-Jacques, c'est faire l'expérience d'un grand bonheur de lecture! En alliant l'utile à l'agréable, il nous apprend à penser en le lisant! Au sortir d'un livre de Rousseau, on se sent plus intelligent!

jeudi, novembre 16, 2006

Sur Marcel Proust

Je crois important d'exprimer ici ma profonde admiration pour la grandeur et la richesse de «À la recherche du temps perdu», qui est assurément l'un des sommets de la littérature mondiale! L'essence de la nature humaine y est décrite avec une finesse inégalée! Les passions sont analysées avec une rare pertinence. En plus, cette oeuvre est écrite dans un style dont la somptuosité et l'harmonie sont uniques. Mais le tour de force de Marcel Proust, c'est d'avoir créé une oeuvre qui soit tout à la fois essai et roman. L'étoile de cet auteur devenu mythique n'a fait que monter au firmament littéraire depuis surtout la parution de la brillante étude d'André Maurois intitulée «À la recherche de Marcel Proust». Aujourd'hui, non seulement le considère-t-on généralement comme le plus grand écrivain français, mais on le perçoit de plus en plus comme l'Einstein de la littérature.
Dans la «Recherche», le Narrateur (Marcel) est un être irrésolu qui songe à devenir écrivain, mais, comme il doute de son talent et est en proie à la procrastination, son projet subit un ajournement perpétuel. Pourtant, dans «Le Côté de Guermantes», son ami Robert de Saint-Loup ose lui dire: "Si j'avais vos dispositions, je crois que j'écrirais du matin au soir." Cet aveu d'un ami très cher le touche sûrement en ébranlant le doute qui le hante sur son talent d'écrivain, mais pas au point de «se mettre à la tâche». Il doit résoudre ses contradictions internes avant de «passer à l'action».
La «Recherche» est un livre protéiforme. C'est l'«Encyclopédie du genre humain». Les thèmes suivants y sont étudiés très lucidement: littérature, philosophie, psychologie, sexualité, art, musique, histoire, politique. On y traite aussi de la souffrance et de la mort. Bien d'autres facettes de la Réalité y sont abordées; il serait hasardeux de tenter de toutes les énumérer! Toutefois, on ne peut ignorer le thème de la «Mémoire», qui est le fondement de l'architecture proustienne!
Proust nous enseigne également que la Réalité ne se compose pas d'une juxtaposition de contrastes, mais ressemble plus à un kaléidoscope de couleurs très voisines les unes des autres: la nuance est sa caractéristique fondamentale! Parmi les passions humaines décrites par Proust, l'amour, et son corollaire la jalousie, tiennent une place décisive. Pour lui, ces deux aspects de la vie affective sont indissociables. Selon Proust, il n'y a pas de rose (l'amour) sans épines (la jalousie). Le sentiment amoureux n'est jamais exempt de cette crainte de l'infidélité de l'être aimé, c'est-à-dire de la perte de la réciprocité exclusive que demande ce sentiment. Donc, il n'y aurait pas d'amour véritable qui soit parfaitement serein. Dans «Le Temps retrouvé», conclusion de la «Recherche», Proust traite de la finalité de la vie humaine. Le Narrateur (Marcel) découvre enfin les secrets qui vont lui permettre d'entreprendre la rédaction de son livre. Il va réaliser sa «vocation», qui est de créer. Si l'on devait résumer cet immense roman en une seule phrase, ce serait celle-ci: "Marcel devient écrivain." Donc, le but de toute vie consiste à identifier d'abord, puis accomplir ensuite en actes le potentiel qui est l'«essence précieuse» de chacun. Génial! Cette lecture déterminante pour chacun propose le plus grand des bénéfices: la révélation de soi! Car lire la «Recherche», c'est lire en soi-même! Monsieur Proust, merci de nous avoir donné ce «miroir de l'âme» qu'est «À la recherche du temps perdu»!

mercredi, novembre 08, 2006

«Portrait de femme»

ROMAN DE HENRY JAMES
J'ai le goût de vous faire part de toute mon admiration pour le grand romancier américain Henry James. Je le connaissais jusqu'à récemment par sa seule réputation. Or, je me suis finalement décidé à lire une de ses oeuvres majeures: «Portrait de femme». Je ne l'ai pas regretté, je vous assure! Je me suis même demandé pourquoi je ne l'avais pas lu plus tôt. Sa grande force réside dans la finesse de l'analyse psychologique. Cet homme avait une profonde connaissance des motivations humaines. Quant à son style, il est d'une clarté éblouissante!
«Portrait de femme» est l'histoire d'Isabel Archer, une jeune bourgeoise non conventionnelle. Cette Américaine est brillante, a une solide culture et dégage un charme fou! Les prétendants ne manquent pas! À la suite du décès de son père, sa tante, qui vit en Europe, lui rend visite. Au fil de la conversation, cette dernière lui propose de l'accompagner pour son retour en Europe. Il s'agit d'élargir son horizon culturel par le voyage. Elle accepte. Cette décision va changer sa vie. Ses périples à travers l'Europe l'enchantent. Des propositions de mariage flattent son ego. Ces demandes sont faites par des hommes tout à fait bien. Au départ, le mariage était pour elle une option exclue. Toutefois, comme il lui plaît, elle se laissera courtiser par un homme très cultivé et aux manières impeccables: Gilbert Osmond. Puis, malgré les avertissements de personnes de son entourage, elle consent finalement à l'épouser. En bout de ligne, elle regrettera amèrement sa décision en découvrant que son mari, qui ne l'aime pas, l'a marié pour son argent.
Dans «Portrait de femme», Henry James se révèle un maître dans la description de la psychologie des principaux personnages et de leurs interactions. La netteté de sa vision est stupéfiante! Quand on l'a entrepris, on ne le lâche plus! C'est un bonheur de lecture constant! Il s'agit d'un grand écrivain! J'entrevois déjà le plaisir lié à la lecture de ses autres romans! Ça promet!

vendredi, novembre 03, 2006

Hommage à Balzac

J'aimerais ici exprimer toute mon admiration pour Honoré de Balzac (1799-1850), assurément l'un des plus grands écrivains de tous les temps! Sa connaissance profonde de la nature humaine en fait un grand psychologue. Son goût pour la philosophie (entendue comme instrument pour chercher un sens à la vie) en fait un remarquable penseur! «La Comédie humaine», cette oeuvre monumentale de la littérature, est un objet constant d'émerveillement pour qui veut mieux comprendre l'Homme et son devenir. Dans sa vie, il avait en adoration les femmes, même s'il les trouvait parfois cruelles. Cette vie demeure peut-être son «roman» le plus prodigieux! On a peine à imaginer aujourd'hui le travail colossal auquel Balzac s'est livré pour écrire son oeuvre (rédaction et nombreuses révisions). D'ailleurs, il en est mort prématurément, à 51 ans seulement! On pourrait dire qu'il a donné sa vie à son oeuvre, pour que celle-ci soit immortelle! Or, voici l'hommage que lui a rendu Victor Hugo lors de sa sépulture, le 22 août 1850: "L'homme qui vient de descendre dans cette tombe était de ceux auxquels la douleur publique fait cortège. [...] Aujourd'hui, le deuil populaire, c'est la mort de l'homme de talent; le deuil national, c'est la mort de l'homme de génie. Messieurs, le nom de Balzac se mêlera à la trace lumineuse que notre époque laissera dans l'avenir. [...] M. de Balzac était un des premiers parmi les plus grands, un des plus hauts parmi les meilleurs. [...] Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l'on voit aller et venir, et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine, livre merveilleux que le poète a intitulé «Comédie» et qu'il aurait pu intituler «Histoire» [...]; livre qui est l'observation et qui est l'imagination; qui prodigue le vrai, l'intime, le bourgeois, le trivial, le matériel et qui, par moments, à travers toutes les réalités brusquement et largement déchirées, laisse tout à coup entrevoir le plus sombre et le plus tragique idéal. [...] Voilà l'oeuvre qu'il nous laisse, oeuvre haute et solide, robuste entassement d'assises de granit, monument! Oeuvre du haut de laquelle resplendira désormais sa renommée. Les grands hommes font leur propre piédestal, l'avenir se charge de la statue. [...] Hélas! Ce travailleur puissant et jamais fatigué, ce philosophe, ce penseur, ce poète, ce génie a vécu parmi nous de cette vie d'orages, de luttes, de querelles, de combats, commune dans tous les temps à tous les grands hommes. Aujourd'hui, le voici en paix. Il sort des contestations et des haines. Il entre le même jour dans la gloire et dans le tombeau. Il va briller désormais au-dessus de toutes ces nuées qui sont sur nos têtes parmi les étoiles de la patrie!" Qu'ajouter de plus? Hugo a tout dit, et dans les meilleurs termes! Un génie salue un génie! Parmi les biographies essentielles, il faut mentionner celles de Stefan Zweig, Maurice Bardèche, Henri Troyat et Pierre Sipriot. Les études sur son oeuvre foisonnent toujours. Il a d'ailleurs inspiré de nombreux écrivains postérieurs. Balzac est un sujet inépuisable!

mercredi, novembre 01, 2006

Éloge des femmes rondes

Êtes-vous, comme moi, de plus en plus exaspérés par le foisonnement de magazines de mode où la couverture est occupée par une jeune fille «anorexique» à peine sortie de l'âge de la puberté et n'ayant que la peau et les os? Cette image de la supposée beauté a des effets dévastateurs sur la psychologie des adolescentes quant à l'appréciation de leur physique, surtout lorsqu'on sait que 90% de celles-ci ne répondent pas à ce modèle de mannequin. Qui sont ceux qui nous imposent ce modèle, et pourquoi? Vaste question qu'il serait intéressant de creuser! Quant à moi, comme de nombreux hommes, je préfère infiniment les femmes «bien en chair», aux rondeurs invitantes et à la poitrine généreuse. Je pense, par exemple, à ces superbes femmes rayonnantes de santé qu'a peintes le grand Rubens, comme "Les Trois Grâces", qui débordent de sensualité! Je les trouve incomparablement plus «sexy» et désirables que ces squelettes ambulants que l'on impose comme modèles aux jeunes filles. Il faudrait trouver des moyens médiatiques pour contrer chez ces jeunes filles cette folie de l'obsession de la minceur et leur faire comprendre qu'un poids-santé n'a rien à voir avec une minceur cadavérique, d'autant plus qu'avec leurs belles rondeurs, elles plaisent tellement plus aux yeux de nombreux hommes! Il faut donc faire bouger les mentalités! Ce texte est ma contribution en ce sens.
[Peinture de l'illustration: «Le Bain turc» (1852-1859), par Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867)]