jeudi, août 30, 2007

Élisabeth Vigée-Lebrun

«Autoportrait» (années 1780), par Élisabeth Vigée-Lebrun (1755-1842)
Je viens de découvrir tout récemment cette superbe et excellente artiste du 18e siècle!
Cer autoportrait me plaît énormément! L'artiste y reproduit sa beauté, mais sans ostentation. Elle est élégamment vêtue, mais sans chercher à jeter de la poudre aux yeux. Elle s'y peint avec palette et pinceaux, montrant ainsi clairement sa fonction. Sa renommée était considérable, puisqu'elle a été peintre de cour. Elle a immortalisé les membres de la famille royale (celle de Louis XVI). Je considère toutefois cet autoportrait (il y en a eu au moins un autre) comme sa plus grande réussite!


mercredi, août 15, 2007

Proust l'homme

Je crois pouvoir affirmer que l'homme Marcel Proust (1871-1922) est aussi riche et singulier que son oeuvre grandiose «À la recherche du temps perdu». Ce créateur génial était un être d'exception. On va même jusqu'à affirmer (et j'en suis!) qu'il est l'«Einstein de la littérature»! Ceux qui l'ont côtoyé de près ont tous été fortement impressionnés par sa personnalité, sa façon d'être et sa vive intelligence. Voici justement quelques témoignages fort révélateurs concernant l'homme et son oeuvre.
Colette
[À propos de «Du côté de chez Swann»]
"Tout ce qu'on aurait voulu écrire, tout ce qu'on n'a pas osé ni su écrire, le reflet de l'univers sur le long flot, troublé par sa propre abondance..."
Léon-Paul Fargue
"Il dégageait de la bonté amère."
Ramon Fernandez
"Cette miraculeuse voix, prudente, distraite, abstraite, ponctuée, ouatée, qui semblait former les sons au-delà des dents et des lèvres, au-delà de la gorge, dans les régions mêmes de l'intelligence... Ses admirables yeux se collaient matériellement aux meubles, aux tentures, aux bibelots; par tous les pores de sa peau, il semblait aspirer la réalité contenue dans la chambre, dans l'instant, dans moi-même; et l'espèce d'extase qui se peignait sur son visage était bien celle du médium qui reçoit les messages invisibles des choses."
Edmond Jaloux
"Il y avait (en 1917) dans son physique même, dans l'atmosphère qui flottait autour de lui, quelque chose de si singulier que l'on éprouvait à sa vue une sorte de stupeur. Il ne participait point à l'humanité courante; il semblait toujours sortir d'un cauchemar, et aussi d'une autre époque, et peut-être d'un autre monde: mais lequel?
[...]
À vrai dire, cette description ne me satisfait guère; il y manque ce je ne sais quoi qui faisait sa singularité: mélange de pesanteur physique et de grâce aérienne de la parole et de la pensée; de politesse cérémonieuse et d'abandon; de force apparente et de féminité. [...] On était à la fois en face d'un enfant et d'un très vieux mandarin."
François Mauriac
"Je revois cette chambre sinistre de la rue Hamelin, cet âtre noir, ce lit où le pardessus servait de couverture, ce masque cireux à travers lequel on eût dit que notre hôte nous regardait manger, et dont les cheveux seuls paraissaient vivants. Pour lui, il ne participait plus aux nourritures de ce monde. L'obscur ennemi dont parle Baudelaire, ce temps «qui mange la vie» et qui «du sang que nous perdons croît et se fortifie», se condensait, se matérialisait au chevet de Proust déjà plus qu'à demi engagé dans le non-être, et devenait ce champignon énorme et proliférant, nourri de sa propre substance, son oeuvre: Le Temps retrouvé."
Violet Schiff*
"L'étrange enchantement des nuits passées avec Marcel Proust nous a inspiré la conviction qu' aucun entretien diurne n'aurait pu avoir le même charme. [...] Rien de ce qu'il disait n'était insignifiant ou banal. Non qu'il fût tout le temps sérieux. Sa satire mordante ne provoquait nul sentiment de tristesse ou d'amertume. Il se mettait en scène dans sa conversation comme il le faisait dans ses livres, mais il ne parlait pas de lui."
*Amis de Proust, Violet et Sydney Schiff formaient un couple d'Anglais riches, cultivés et cosmopolites. Mécènes des écrivains et des artistes, ils furent les hôtes de la grande réception (souper) donnée en soirée à l'hôtel Majestic le 18 mai 1922, à l'occasion de la première du ballet «Renard», dont l'invité d'honneur était Stravinsky, compositeur de la musique du spectacle. Les autres invités de marque étaient principalement Diaghilev, Picasso, Joyce et Proust.

CITATIONS D'OUVRAGES SUR PROUST
"Proust, jugea Violet, était un remarquable exentrique, et non l'insupportable mondain qu'on lui décrivait, un satiriste mordant aux dons éblouissants de causeur et non un ennuyeux bavard. Le sentiment initial d'avoir affaire à un être d'exception ne faisait que se confirmer quand on le connaissait mieux. Rien de moins mystérieux que l'impression produite par Proust sur ses contemporains à partir de 1918. Ce qui donne un caractère d'exception à son existence, c'est la conviction ardente qu'il avait de sa vocation d'écrivain, son dévouement total à son art impliquant un renoncement à la vie de caractère presque masochiste. Mais si dès l'adolescence il a le sentiment confus de cette vocation, la force de celle-ci n'est devenue évidente qu'une fois qu'il eut maîtrisé ses doutes et ses craintes, vers la quarantaine."
-Richard Davenport-Hines, Proust au Majestic, Grasset, 2008, p.70 (traduit de l'anglais par André Zavriew)

[Portrait: «Proust» par Jacques-Émile Blanche]

vendredi, août 10, 2007

Chateaubriand ou la contradiction

Je me décide enfin à écrire sur Chateaubriand (1768-1848)! Il y a fort longtemps que je songeais à lire les célèbres «Mémoires d'outre-tombe». Je différais cette lecture à cause d'une certaine difficulté à pénétrer l'univers mental du grand homme. Depuis, j'ai mûri, littérairement parlant! Je commence enfin à goûter sa prose! Ces mémoires sont constituées de quatre parties composant 44 livres, plus un «supplément» documentaire. La dernière phrase de cette autobiographie est saisissante et prophétique: "Il est six heures du matin; j'aperçois la lune pâle et élargie; elle s'abaisse sur la flèche des Invalides à peine révélée par le premier rayon doré de l'Orient; on dirait que l'ancien monde finit et que le nouveau commence. Je vois les reflets d'une aurore dont je ne verrai pas se lever le soleil. Il ne me reste qu'à m'asseoir au bord de ma fosse; après quoi je descendrai hardiment, le crucifix à la main, dans l'éternité." Wow! Ce n'est pas mal du tout! Monsieur Chateaubriand avait le sens de la formule! Les «Mémoires d'outre-tombe» sont encore et toujours considérées comme le maître-livre de Chateaubriand. Au début, il est question de son enfance bretonne; ensuite, il évoque la période révolutionnaire en France, puis le voyage américain, qui sera suivi de l'exil anglais. Enfin, c'est le retour en France! Dans le livre douzième, Chateaubriand n'oublie pas de nous faire part de l'importance qu'a eue l'Angleterre dans sa formation intellectuelle et littéraire. Plus le récit de sa vie avance, plus le personnage privé et le personnage public de l'auteur «s'interpénètrent»! On pense à la période consulaire et impériale. Il nous informera de ses démêlés avec Napoléon et des principaux épisodes de sa vie littéraire. Sous la Restauration, il traite de son action politique, ainsi que de ses grandes amitiés et ses relations littéraires. En passant, tout le livre vingt-neuvième est centré sur la personne de Madame Récamier! C'est révélateur sur son importance dans sa vie!
Ses relations de voyage comptent parmi ses plus belles pages! Dans le livre quarante-quatrième, il ose des réflexions «prophétiques» sur l'avenir du monde relayant la fin du «vieil ordre européen». Il relate les progrès de l'individualisme et le déclin de la société. Chateaubriand envisage ensuite un système «idéal» alliant monarchisme, christianisme et démocratie, rien de moins! Dans sa conclusion, il fait la récapitulation de sa vie.
Son autre grande oeuvre est «Le Génie du christianisme». C'est une immense réflexion sur l'originalité de la religion chrétienne. Son style y performe à son meilleur! Peut-être ambitionnait-il de reprendre sous une nouvelle forme l'«Apologie de la religion chrétienne», ouvrage inachevé de Pascal qui nous est parvenu sous l'état de notes qu'on a regroupées pour les éditer sous le titre immortel de «Pensées». Sans atteindre la profondeur de réflexion de Pascal, le livre a eu une immense portée en ranimant la foi de nombreux fidèles qui avaient relaché la pratique religieuse à la suite des convulsions révolutionnaires de la fin du siècle précédent. Dans la première partie, Chateaubriand commence par y traiter du lien nécessaire entre la foi et le sentiment de la nature. C'est toutefois les deuxième et troisième parties de l'oeuvre qui en sont le noyau, soit Poétique du christianisme et Beaux-arts et Littérature. Pour notre auteur, le christianisme trouve sa justification spirituelle dans sa dimension esthétique, car lui seul (mieux que toute autre spiritualité, philosophie ou mythologie) a su pénétré les secrets de l'âme et de la nature, nourissant ainsi l'inspiration poétique. Dans la quatrième et dernière partie, Chateaubriand tente de démontrer que le christianisme, de par sa vocation créatrice, s'avère historiquement comme la source irremplaçable du progrès de la civilisation. Selon moi, la thèse se vérifie, mais en partie seulement. On n'a qu'à penser aux profondes réticences de l'Église catholique à accepter les avancées de la science, celles-ci contredisant souvent les croyances chrétiennes. On en revient toujours à l'éternel débat entre Foi et Raison! Nonobstant les thèses contestables, il s'agit d'une oeuvre brillante sur le plan littéraire! C'est une raison suffisante, je crois, pour qu'elle soit lue par le lecteur assoiffé de beauté poétique à l'intérieur de la spiritualité!
Il ne faut pas perdre de vue que Chateaubriand se sait être une personne contradictoire, et l'admet volontiers! Par exemple, il est obsédé par la gloire, mais en même temps, il la trouve méprisable. Est-ce de la pose, ou est-il sincère? À chaque lecteur de fournir sa propre réponse! Une chose est sûre: Chateaubriand, par sa prose remarquable, nous invite à entamer une réflexion sur le sens de l'existence et la place qu'y occupe notre propre vie! C'est considérable!
[Portrait: «Chateaubriand» par Girodet]

mardi, août 07, 2007

«Madame Récamier»

Madame Récamier (1777-1849), dont la beauté et l'intelligence étaient reconnues par tous, a tenu un salon très couru. Elle était même la «star» de son temps! On s'en souvient surtout comme ayant été la maîtresse de Chateaubriand (le chanceux!) . Son nom complet à la naissance était «Jeanne Françoise Julie Adélaïde Bernard». Elle a épousé un riche banquier de Paris nommé Monsieur Récamier. Sa meilleure amie était Madame de Staël. Comme on voit, elle était l'intime de personnages de valeur!
Ce portrait de François Gérard, dont on voit le détail principal, date de 1802 (elle avait alors 25 ans!). C'est celui qui nous la montre le mieux dans toute sa splendeur! Elle y est magnifique! Une réussite dont elle s'est félicitée! Probablement le plus célèbre tableau de Gérard! Et pour cause!
En plus d'être très belle, Madame Récamier avait une solide culture et un talent musical certain! Tout cela fait qu'on ne peut cesser d'admirer son portrait sans se dire qu'on aurait aimé la connaître personnellement, et même faire partie de ses intimes! Voilà tout le mérite de ce tableau: nous faire rêver sur un personnage réel! Qui dit mieux?

mercredi, août 01, 2007

«Horace»

ROMAN DE GEORGE SAND
«Horace» est un roman extrêmement intéressant de George Sand, et il est magnifiquement écrit! C'est l'histoire d'un jeune homme (Horace Dumontet) racontée par son meilleur ami, Théophile. Horace est un être ambitieux, à l'intelligence vive, mais peu persévérant quant aux moyens à prendre pour atteindre ses objectifs. Son idéal de vie se heurte brutalement aux nécessités de la vie quotidienne. Théophile le déplore, lui qui maîtrise mieux ses émotions et possède un sens pratique beaucoup plus développé.
Horace arrive tout de même à vivre une belle histoire d'amour avec Marthe, jeune femme belle et intelligente. Toutefois, la réalité du quotidien mettra cette passion réciproque à rude épreuve. Marthe, ne voyant pas d'autres issues, finira par quitter son amant, dont l'ingratitude la peine beaucoup. Heureusement pour elle, c'est Paul Arsène, un homme beaucoup plus raisonnable et sincère dans ses sentiments, qui lui succédera dans son coeur. Pendant ce temps, Horace vit une liaison «intéressée» avec la vicomtesse de Chailly, femme superficielle. Inévitablement, cette liaison se terminera dans l'aigreur mutuelle de nos deux protagonistes. Le couple de Marthe et Paul s'avèrera beaucoup plus solide, parce qu'harmonieux. Après s'être débattus dans une grande misère, ceux-ci parviendront à une aisance matérielle bien méritée! Ils élèveront dans l'harmonie l'enfant d'Horace. Quant à celui-ci, il trouvera le courage de terminer son Droit et ira le pratiquer en province, où il acquerra une certaine paix intérieure.