vendredi, avril 13, 2007

Molière

Molière! L'un des plus grands auteurs de théâtre de tous les temps! Et aussi, assurément, l'un des plus grands moralistes! En parlant du français, on dit «la langue de Molière»; c'est déjà tout dire!
Jean-Baptiste Poquelin naît à Paris le 15 janvier 1622. Il est le fils de Jean Poquelin, marchand-tapissier, et de Marie Cressé. Il va grandir dans le milieu le plus vivant de Paris, entre les Halles, l'Hôtel de Rambouillet et le Pont-Neuf. Comme tous les futurs grands auteurs de l'époque, il fait ses études chez les Jésuites, au Collège de Clermont. Dès son jeune âge, Jean-Baptiste est mis en contact avec l'univers théâtral. Son grand-père maternel, Louis Cressé, l'emmène souvent à l'Hôtel de Bourgogne, où il voit jouer les farces par les «Comédiens Italiens» et les tragédies par les «Grands Comédiens». C'est probablement à cette époque qu'il développe un goût définitif pour le théâtre, et marquera cet art de la Parole de façon indélébile!
Pour donner une idée de son génie, voici un extrait de l'une de ses meilleures pièces: «Les Femmes savantes». À la relire, j'en éprouve autant de plaisir que la première fois! Il s'agit d'Henriette s'adressant à sa soeur Armande (Acte I, scène 1).
Henriette
"Le Ciel, dont nous voyons que l'ordre est tout-puissant,
Pour différents emplois nous fabrique en naissant,
Et tout esprit n'est pas composé d'une étoffe
Qui se trouve taillée à faire un philosophe.
Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,
Le mien est fait, ma soeur, pour aller terre à terre,
Et dans les petits soins son faible se resserre.
Ne troublons point du Ciel les justes règlements
Et de nos deux instincts suivons les mouvements.
Habitez, par l'essor d'un grand et beau génie,
Les hautes régions de la philosophie,
Tandis que mon esprit, se tenant ici-bas,
Goûtera de l'hymen les terrestres appas.
Ainsi, dans nos desseins l'une à l'autre contraire,
Nous saurons toutes deux imiter notre mère:
Vous, du côté de l'âme et des nobles désirs,
Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs;
Vous, aux productions d'esprit et de lumière,
Moi, dans celles, ma soeur, qui sont de la matière."
C'est magnifique, n'est-ce pas? Et très pertinent! Henriette, la pragmatique pleine de bon sens, se permet de faire la leçon à sa soeur Armande, l'intellectuelle qui a tendance à se croire supérieure aux communs des mortels par son prétendu haut-savoir.
Le bon sens d'Henriette et sa lucidité sont remarquables. Elle ne condamne pas le goût d'Armande pour les choses de l'esprit (en lui disant, par exemple, qu'elle veut être savante uniquement pour impressionner ses prétendants), mais tente de lui faire comprendre que son attitude plus pratique, dans son désir de fonder une famille, est tout aussi valable. On en revient toujours au juste milieu (la Voie du Milieu du Bouddha!).
L'éclat du génie de Molière (pour le fond et la forme) est aussi bien marqué dans ces deux autres extraits tirés de son chef-d'oeuvre: «Le Misanthrope». Il s'agit de Célimène s'exprimant en présence d'Éliante, Philinte, Acaste, Clitandre, Alceste et Basque (Acte II, scène 4).
Célimène (à propos de Damis)
"Oui; mais il veut avoir trop d'esprit, dont j'enrage.
Il est guindé sans cesse; et, dans tous ces propos,
On voit qu'il se travaille à dire de bons mots.
Depuis que dans la tête il s'est mis d'être habile,
Rien ne touche son goût, tant il est difficile.
Il veut voir des défauts à tout ce qu'on écrit,
Et pense que louer n'est pas d'un bel esprit,
Que c'est être savant que trouver à redire,
Qu'il n'appartient qu'aux sots d'admirer et de rire,
Et qu'en n'approuvant rien des ouvrages du temps,
Il se met au-dessus de tous les autres gens.
Aux conversations même il trouve à reprendre;
Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre;
Et, les deux bras croisés, du haut de son esprit
Il regarde en pitié tout ce que chacun dit."
Toujours Célimène (à propos d'Alceste)
"Et ne faut-il pas bien que monsieur contredise?
À la commune voix veut-on qu'il se réduise,
Et qu'il ne fasse pas éclater en tous lieux
L'esprit contrariant qu'il a reçu des cieux?
Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire:
Il prend toujours en main l'opinion contraire,
Et penserait paraître un homme du commun,
Si l'on voyait qu'il fût de l'avis de quelqu'un.
L'honneur de contredire a pour lui tant de charmes,
Qu'il prend contre lui-même assez souvent les armes;
Et ses vrais sentiments sont combattus par lui,
Aussitôt qu'il les voit dans la bouche d'autrui."
C'est magistral! Du grand Molière! Il fait le portrait de personnages trop imbus d'eux-mêmes, qui croient que leur façon de voir est la seule valable. Il s'en trouve encore beaucoup de nos jours! Une autre preuve que le théâtre de Molière est intemporel!


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