mardi, avril 17, 2007

Splendeur de la chair!

FEMME ACCROUPIE OFFRANT DU LAIT À UN CHAT (1919), par Félix Vallotton
Une révélation que ce superbe corps de femme peint par Félix Vallotton! Les formes généreuses de ce modèle contribuent magistralement à la glorification du corps féminin en peinture! Valloton donne, par sa vision, une dimension mythique à cette scène du quotidien! C'est à coup sûr la marque d'un grand artiste!
Félix Vallotton est un peintre français d'origine suisse. À 18 ans, il décide de se consacrer à la peinture. Il voue une grande admiration à Holbein et Ingres. Dans ses tableaux, il vise la simplification par l'«épuration» des formes. Son regard sur la Réalité s'avère tout à la fois sobre et très critique. Les couleurs de ses oeuvres sont, dans l'ensemble, nettement différenciées. Un immense peintre qu'on gagne à mieux connaître!

Douceur du quotidien

LA FEMME AU CHAT (1880), par Renoir
Cette peinture de Renoir m'a immédiatement ravi! Cette jolie jeune fille à l'épaule gauche dénudée semble somnoler alors qu'un chat s'ébat tranquillement sur elle. On est immédiatement touché par cette scène du quotidien. L'innocence du modèle (qui ignore sans doute son charme!) irradie du tableau! Renoir excelle à nous révéler la Beauté dans la vie de tous les jours en touchant notre coeur! Une autre belle découverte du maître!

samedi, avril 14, 2007

Montaigne

Montaigne (1533-1592) est assurément l'un des plus grands écrivains et moralistes français! On ne peut mieux résumer sa philosophie par la pensée suivante: "J'aime mieux forger mon âme que la meubler." («Les Essais», livre III, chapitre 3) Il était pourtant un grand érudit, mais préférait résolument l'expérience de vie à la culture livresque. Dans son livre-phare, «Les Essais», il y a justement un chapitre intitulé «Des livres» (Livre II, chapitre 10). Voici ce qu'il en dit: "La science et la vérité peuvent loger chez nous sans jugement, et le jugement y peut aussi être sans elles; voire, la reconnaissance de l'ignorance est l'un des plus beaux et des plus sûrs témoignages de jugement que je trouve." On pense à Socrate! Et, plus loin: "Je souhaiterais bien avoir plus parfaite intelligence des choses, mais je ne la veux pas acheter si cher qu'elle coûte. Mon dessein est de passer doucement, et non laborieusement, ce qui me reste de vie. Il n'est rien pourquoi je me veuille rompre la tête, non pas pour la science, de quelque grand prix qu'elle soit. Je ne cherche aux livres qu'à m'y donner du plaisir par un honnête amusement; ou si j'étudie, je n'y cherche que la science qui traite de la connaissance de moi-même, et qui m'instruise à bien mourir et à bien vivre: Has meus ad metas sudet oportet equus." [«Voilà le but vers lequel mon cheval doit suer». (Properce, IV, I, 70)] C'est le bon sens même! Quelle sagesse bien ordonnée!
On a discerné trois composantes dans «Les Essais»: stoïcisme, scepticisme, et épicurisme. Toutefois, la vision de Montaigne sur l'existence est beaucoup plus vaste et profonde! Le meilleur exemple en est peut-être le chapitre 12 du livre II, intitulé «Apologie de Raymond Sebond». Montaigne y condense de façon pénétrante sa philosophie de la vie. En voici le début: "C'est à la vérité une très utile et grande partie que la science: ceux qui la méprisent témoignent assez leur bêtise: mais je n'estime pas pourtant sa valeur jusqu'à cette mesure extrême qu'aucuns [certains] lui attribuent: Comme «Hérillos» le philosophe, qui logeait en elle le souverain bien, et tenait qu'il fût en elle de nous rendre sages et contents: ce que je ne crois pas: ni ce que d'autres ont dit, que la science est mère de toute vertu, et que tout vice est produit par l'ignorance. Si cela est vrai, il est sujet à une longue interprétation." Tout à fait d'accord, monsieur Montaigne! En effet, les personnes qui détiennent un «haut savoir» ne sont pas nécessairement plus sages que la moyenne des gens. On n'a qu'à songer aux faits et gestes de nos gouvernants, qui ne sont pas toujours orientés vers le mieux-être de la population. Ou encore, on sait qu'il existe des rivalités mesquines entre certains professeurs d'université (qui sont pourtant docteurs!). Il y en a même qui s'adjoignent les travaux de collègues ou d'étudiants! Donc, Connaissance n'est pas nécessairement synonyme de Sagesse!
Plus loin, à propos de la littérature, il écrit: "Moi je les aime bien [les lettres], mais je ne les adore pas." La nuance est importante: Montaigne sait faire la part des choses!
Le monde arabo-musulman fait souvent l'actualité internationale à notre époque. Montaigne se prononce clairement sur la pensée musulmane, sans maquillage de rectitude politique. Voici ce qu'il en dit: "Quand Mahomet promet aux siens un paradis tapissé, paré d'or et de pierreries, peuplé de garces [filles] d'excellente beauté, de vins, et de vivres singuliers, je vois bien que ce sont des moqueurs qui se plient à notre bêtise, pour nous emmieller et attirer par ces opinions et espérances, convenables à notre mortel appétit. Si aucuns des nôtres [Certains des nôtres (les chrétiens) sont aussi] tombés en pareille erreur, se promettant après la résurrection une vie terrestre et temporelle, accompagnée de toutes sortes de plaisirs et commodités mondaines. [...] Il faudrait lui dire [à Platon] de la part de la raison humaine: Si les plaisirs que tu nous promets en l'autre vie, sont de ceux que j'ai sentis ça-bas, cela n'a rien de commun avec l'infinité: Quand tous mes cinq sens de nature seraient combles de liesse, et cette âme saisie de tout le contentement qu'elle peut désirer et espérer, nous savons ce qu'elle peut: cela, ce ne serait encore rien: S'il y a quelque chose du mien, il n'y a rien de divin: si cela n'est autre, que ce qui peut appartenir à cette nôtre condition présente, il ne peut être mis en compte. Tout contentement des mortels est mortel." Comme on le voit, dénonçant les promesses de l'islam, il n'épargne pas non plus la vision de l'au-delà du christianisme, ni celle de Platon! Son scepticisme n'épargne aucune religion ou courant de pensée! La franchise de Montaigne, en ces temps troubles de guerres de religions, est d'une audace (voire d'un courage) exemplaire! Son raisonnement est lumineux: la béatitude divine n'a rien à voir avec nos aspirations terrestres les plus hardies! Le fini n'a aucune mesure avec l'infini!
On a raison de placer Montaigne parmi les plus grands philosophes! Les citations que j'ai fournies le prouvent amplement! Toutefois, je crois qu'il préfère qu'on le considère comme un grand humaniste. Quant à moi, il m'apparaît que la beauté de sa pensée s'apprécie du fait qu'il est un grand écrivain! Lire «Les Essais», c'est mieux saisir la nature humaine et ses rapports avec la réalité. Qu'un tel homme ait vécu et écrit, vraiment, le plaisir de vivre en a été augmenté!

Le prince des humanistes

Érasme de Rotterdam (1469-1536), ce grand humaniste de la Renaissance, est, sans contredit, le penseur, l'érudit et le polémiste le plus important et le plus célèbre du début des Temps modernes! L'actualité de sa pensée est renversante! C'est le premier penseur «moderne»! Stefan Zweig a écrit à son sujet: "Sa plume était son sixième doigt." (Stefan Zweig, Érasme) On pourrait donc affirmer que l'activité intellectuelle était le centre de la vie de cet humaniste hollandais! Il traduisait sa vision du monde dans ses écrits. Et quelle vision! À commencer par «L'Éloge de la Folie» (qu'il aurait écrit à cheval!). Dans ce livre «inclassable», Érasme donne la parole à la Folie, pour mieux nous faire voir celle des hommes! C'est une critique brillante (à l'humour incisif) des travers humains. S'y retrouvent: le sceptique et le croyant, le pauvre et le riche, le laïc et le clerc, le sage et le sot! Personne n'y échappe! La lucidité de sa vision est assurément celle d'un sage! Le succès immédiat du livre étonna l'auteur lui-même! Dès sa parution en latin, on l'a traduit en français. On le traduira dans de nombreuses autres langues! Étonnamment, Érasme considérait qu'il ne s'agissait que d'une fantaisie qu'il s'était permise. C'est pourtant cet ouvrage intemporel qui lui a assuré une gloire immortelle! Son humour brillant a traversé les siècles et ravi des générations de lecteurs, qui ont pu rire sainement d'eux-mêmes et de leur entourage.
«Les Colloques» sont l'autre ouvrage qui a conforté la réputation d'Érasme. Cette oeuvre permet de suivre son évolution historique ainsi que son aventure spirituelle. Il y pratique l'animation des idées par des personnages contemporains que des spécialistes identifieront comme des amis d'Érasme, et parfois lui-même! Y sont exposés les problèmes sociaux, politiques et religieux de son temps. Pour ce faire, il emploie une forme dramatique qu'il teinte d'une verve satirique. La forme populaire de ces dialogues permet à l'auteur une grande liberté de langage et d'esprit! Ce sera aussi un succès considérable!
Érasme a été un grand théoricien de la pédagogie, mais, curieusement, il n'aimait pas le métier de professeur! C'est l'un de ses paradoxes! Il a toutefois donné une orientation humaniste et chrétienne à sa pédagogie et sa philologie.
En conclusion, voici ce qu'en dit Jean-Claude Margolin dans son essai «Érasme par lui-même»: "[...], malgré le clair-obscur qui enveloppe une partie de son oeuvre et plus d'une page de son existence, un axe lumineux oriente les recherches et profile sur lui la problématique érasmienne: l'axe de la pédagogie. «Philosophe du Christ», militant de la paix, peintre satirique des moeurs de son temps, observateur ironique des folies humaines, admirateur fervent des sages et des saints qui n'ont jamais outrepassé la mesure de l'homme, Érasme peut à bon droit se prévaloir du titre de précepteur de l'humanité, [...]." Peut-on écrire un plus bel hommage? Par sa plume alerte et son propos toujours pertinent, Érasme est et restera toujours un bienfaiteur de l'humanité, et l'un des plus grands!
Note: «Portrait d'Érasme» par Hans Holbein (1523) [Londres, National Gallery]

Blaise Pascal

Blaise Pascal (1623-1662): tout à la fois grand moraliste, grand écrivain et grand scientifique! Un génie multiforme comme il y en a eu très peu dans l'Humanité! Le 17e siècle français peut s'enorgueillir à juste titre de l'avoir vu vivre! Malgré sa brièveté (39 ans), son existence ici-bas a pourtant marqué de façon indélébile la pensée humaine!
Comme scientifique, il a «inventé» la géométrie projective, le calcul des probabilités et la physique expérimentale. À 19 ans, il conçoit une machine arithmétique, préfiguration de la calculatrice d'aujourd'hui! En avance de trois siècles!
Sa vie a été jalonnée de problèmes de santé; il a donc connu dans sa chair la souffrance physique, lot indissociable de la condition humaine, sur laquelle il a si pertinemment réfléchi.
Pascal s'est toujours jeté dans le travail avec une hâte prémonitoire. Il entame un nouveau domaine avec soudaineté; toutefois, dès qu'il en a assimilé les premiers principes, il s'en détourne pour en aborder un autre, pressentant que ceux qui jouiraient d'une vie plus longue que la sienne seraient mieux en mesure de mener plus loin ses travaux. Il voyait clair!
Voici un extrait des «Pensées» qui illustre bien son génie de penseur et d'écrivain:
"Que l'homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté; qu'il éloigne la vue des objets bas qui l'environnent. Qu'il regarde cette éclatante lumière, mise comme une lampe éternelle pour éclairer l'univers; que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit, et qu'il s'étonne de ce que ce vaste tour lui-même n'est qu'une pointe très délicate à l'égard de celui que ces astres, qui roulent dans le firmament, embrassent."
Toujours dans «Les Pensées», voici comment il considère le divertissement comme «palliatif» à l'ennui: "Qui ne voit la vanité du monde est bien vain lui-même. Aussi qui ne la voit, excepté de jeunes gens qui sont tous dans le bruit, dans le divertissement et dans la pensée de l'avenir. Mais ôtez leur divertissement, vous les verrez se sécher d'ennui. Ils sentent alors leur néant sans le connaître, car c'est être bien malheureux que d'être dans une tristesse insupportable aussitôt qu'on est réduit à se considérer et à n'en être point diverti." N'est-ce pas d'une lucidité stupéfiante? Quelle justesse de vision sur la nature humaine!
La lecture de Pascal n'a pas laissé indifférents les écrivains postérieurs importants. Voici ce qu'écrivait Diderot à son sujet: "Élégant écrivain et raisonneur profond, il eût sans doute éclairé l'univers, si la Providence ne l'eût abandonné à des gens qui sacrifièrent ses talents à leurs haines." Quant à Jean D'Ormesson: "C'est un génie universel. Il est dépassé comme savant. Il est indépassable comme écrivain."
Jacques Attali, biographe remarqué de Pascal, écrit: "Tous les grands philosophes, en commençant par Aristote, sont des scientifiques, et Pascal fut à la pointe de la science mathématique, physique, chimique de son époque. Pascal est certainement l'intellectuel le plus extraordinaire de tous les temps. Je dis intellectuel car, pour moi, il n'y a pas d'intellectuel qui n'écrive dans une langue simple et claire, et Pascal est d'abord un grand écrivain, un génie qui invente véritablement la langue française."
C'est par l'écriture que Pascal créait sa pensée. Et quelle écriture! C'est justement par la beauté de l'expression qu'on atteint à une hauteur de pensée! Et Pascal y excellait!
Son oeuvre maîtresse, Les «Pensées», abonde en idées d'une extrême modernité! Par exemple, il y réfléchit sur les limites de la liberté et l'importance du déterminisme. Il y développe un questionnement poussé sur l'absurdité de la vie. Comme cité plus haut, il y remarque l'attitude angoissée des hommes face à la mort, qu'ils essaient de conjurer par le divertissement. Et l'on sait l'importance démesurée qu'a pris le divertissement de nos jours! Touché, monsieur Pascal! Vous avez tout vu, tout compris!
Pascal a pourtant vécu une immense solitude. Il avait une surprenante capacité à vivre et à travailler dans la douleur, étant constamment malade. C'est dans cette vie austère qu'il a élaboré une Oeuvre qui reste comme l'un des phares de l'Humanité. Monsieur Pascal, nous ne vous serons jamais assez reconnaissants! Merci de nous avoir éclairés!

vendredi, avril 13, 2007

Molière

Molière! L'un des plus grands auteurs de théâtre de tous les temps! Et aussi, assurément, l'un des plus grands moralistes! En parlant du français, on dit «la langue de Molière»; c'est déjà tout dire!
Jean-Baptiste Poquelin naît à Paris le 15 janvier 1622. Il est le fils de Jean Poquelin, marchand-tapissier, et de Marie Cressé. Il va grandir dans le milieu le plus vivant de Paris, entre les Halles, l'Hôtel de Rambouillet et le Pont-Neuf. Comme tous les futurs grands auteurs de l'époque, il fait ses études chez les Jésuites, au Collège de Clermont. Dès son jeune âge, Jean-Baptiste est mis en contact avec l'univers théâtral. Son grand-père maternel, Louis Cressé, l'emmène souvent à l'Hôtel de Bourgogne, où il voit jouer les farces par les «Comédiens Italiens» et les tragédies par les «Grands Comédiens». C'est probablement à cette époque qu'il développe un goût définitif pour le théâtre, et marquera cet art de la Parole de façon indélébile!
Pour donner une idée de son génie, voici un extrait de l'une de ses meilleures pièces: «Les Femmes savantes». À la relire, j'en éprouve autant de plaisir que la première fois! Il s'agit d'Henriette s'adressant à sa soeur Armande (Acte I, scène 1).
Henriette
"Le Ciel, dont nous voyons que l'ordre est tout-puissant,
Pour différents emplois nous fabrique en naissant,
Et tout esprit n'est pas composé d'une étoffe
Qui se trouve taillée à faire un philosophe.
Si le vôtre est né propre aux élévations
Où montent des savants les spéculations,
Le mien est fait, ma soeur, pour aller terre à terre,
Et dans les petits soins son faible se resserre.
Ne troublons point du Ciel les justes règlements
Et de nos deux instincts suivons les mouvements.
Habitez, par l'essor d'un grand et beau génie,
Les hautes régions de la philosophie,
Tandis que mon esprit, se tenant ici-bas,
Goûtera de l'hymen les terrestres appas.
Ainsi, dans nos desseins l'une à l'autre contraire,
Nous saurons toutes deux imiter notre mère:
Vous, du côté de l'âme et des nobles désirs,
Moi, du côté des sens et des grossiers plaisirs;
Vous, aux productions d'esprit et de lumière,
Moi, dans celles, ma soeur, qui sont de la matière."
C'est magnifique, n'est-ce pas? Et très pertinent! Henriette, la pragmatique pleine de bon sens, se permet de faire la leçon à sa soeur Armande, l'intellectuelle qui a tendance à se croire supérieure aux communs des mortels par son prétendu haut-savoir.
Le bon sens d'Henriette et sa lucidité sont remarquables. Elle ne condamne pas le goût d'Armande pour les choses de l'esprit (en lui disant, par exemple, qu'elle veut être savante uniquement pour impressionner ses prétendants), mais tente de lui faire comprendre que son attitude plus pratique, dans son désir de fonder une famille, est tout aussi valable. On en revient toujours au juste milieu (la Voie du Milieu du Bouddha!).
L'éclat du génie de Molière (pour le fond et la forme) est aussi bien marqué dans ces deux autres extraits tirés de son chef-d'oeuvre: «Le Misanthrope». Il s'agit de Célimène s'exprimant en présence d'Éliante, Philinte, Acaste, Clitandre, Alceste et Basque (Acte II, scène 4).
Célimène (à propos de Damis)
"Oui; mais il veut avoir trop d'esprit, dont j'enrage.
Il est guindé sans cesse; et, dans tous ces propos,
On voit qu'il se travaille à dire de bons mots.
Depuis que dans la tête il s'est mis d'être habile,
Rien ne touche son goût, tant il est difficile.
Il veut voir des défauts à tout ce qu'on écrit,
Et pense que louer n'est pas d'un bel esprit,
Que c'est être savant que trouver à redire,
Qu'il n'appartient qu'aux sots d'admirer et de rire,
Et qu'en n'approuvant rien des ouvrages du temps,
Il se met au-dessus de tous les autres gens.
Aux conversations même il trouve à reprendre;
Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre;
Et, les deux bras croisés, du haut de son esprit
Il regarde en pitié tout ce que chacun dit."
Toujours Célimène (à propos d'Alceste)
"Et ne faut-il pas bien que monsieur contredise?
À la commune voix veut-on qu'il se réduise,
Et qu'il ne fasse pas éclater en tous lieux
L'esprit contrariant qu'il a reçu des cieux?
Le sentiment d'autrui n'est jamais pour lui plaire:
Il prend toujours en main l'opinion contraire,
Et penserait paraître un homme du commun,
Si l'on voyait qu'il fût de l'avis de quelqu'un.
L'honneur de contredire a pour lui tant de charmes,
Qu'il prend contre lui-même assez souvent les armes;
Et ses vrais sentiments sont combattus par lui,
Aussitôt qu'il les voit dans la bouche d'autrui."
C'est magistral! Du grand Molière! Il fait le portrait de personnages trop imbus d'eux-mêmes, qui croient que leur façon de voir est la seule valable. Il s'en trouve encore beaucoup de nos jours! Une autre preuve que le théâtre de Molière est intemporel!